L’Agenda
Dialogue national: Jonction avec les leaders traditionnels
*CONTRIBUTION DE MAA SINIG NIOKHOBAYE DIOUF FATOU DIENE SUR LE DIALOGUE NATIONAL*
Je prends la parole aujourd’hui, non seulement, en tant que Maa Sinig, gardien d’une tradition séculaire, mais, aussi, en tant que fils de cette terre sénégalaise, riche de sa diversité, de ses valeurs et de ses aspirations.Je salue avec ferveur l’initiative de ce Dialogue National, moment solennel où la République choisit la voie de l’écoute, du partage et de la construction collective. En cette période charnière de notre histoire, les défis sont nombreux : cohésion sociale, emploi des jeunes, développement équitable des territoires, préservation des valeurs culturelles, et consolidation de notre souveraineté.Je me tiens ici, porteur de la parole du peuple sérère, peuple de dignité, de mémoire et de paix. Je parle au nom des terroirs du Sine, de Diakhao à Joal, en passant par Fatick, des rives de Mame Mindiss jusqu’aux flots de Sangomar et jusqu'aux villages ancestraux les plus reculés, qui ont toujours fait du jom (la dignité), du kersa (le respect), et du yirmaandee (l’entraide), les piliers de la société.Notre pays a toujours su puiser dans ses traditions pour éclairer son avenir. Le cousinage à plaisanterie, les discussions sincères sous l’arbre à palabres, les rites de réconciliation, les serments de paix entre royaumes, sont autant de formes ancestrales de dialogue. Elles ont permis à notre peuple d’éviter les ruptures brutales et les conflits fratricides. Que ce Dialogue National s’inspire de ces valeurs !Permettez-moi, également, d’insister sur un point fondamental : la culture ne doit plus être perçue comme accessoire, mais, comme un levier central de développement et de stabilité. Elle est à la fois racine et horizon. Elle est ce ciment invisible qui relie les générations, nourrit la citoyenneté, et porte l’image du Sénégal dans le monde.Je plaide donc, avec force et conviction, pour :Une revalorisation du rôle des chefs coutumiers dans la médiation sociale et la paix,Un soutien accru aux langues nationales, qui sont des vecteurs puissants de savoir et d’unité,Une place centrale à la culture dans les politiques publiques, y compris dans l’éducation, l’environnement et la diplomatie.Le Sine est une terre de dialogue, de savoirs ancestraux, d’équilibre entre sacré et temporel. Nos ancêtres nous ont appris que l’autorité n’a de sens que si elle sert la paix et le bien commun. C’est dans cet esprit que je tends la main à toutes les forces vives de la Nation, pour que nous puissions, ensemble, forger un contrat social nouveau, enraciné dans nos valeurs et tourné vers les horizons de demain.À vous, jeunes du Sénégal, je dis ceci : prenez le flambeau de vos aînés, mais, façonnez votre avenir avec audace et lucidité. Le pays a besoin de vos forces, de votre créativité, et de votre foi.À vous, dirigeants d’aujourd’hui, je dis : écoutez le murmure des peuples, respectez les équilibres profonds de notre société, et gouvernez avec éthique, justice et vision.Enfin, à tous mes frères et sœurs sénégalais, du Fouta à la Casamance, du Sine au Walo, du Djolof au Boundou, je lance un appel à l’unité, au sursaut national, et à la réconciliation durable.En tant que Maa sinig, je suis l’héritier d’une parole d’équilibre, de verité, cette verité assumée par notre ancètre Maa sinig Coumba Ndoffène Diouf, en faveur de Cheikh Ahmadou Bamba, devant le Gouverneur colonial, le 07 juin 1903, à Saint Louis. Je suis la voix d'un peuple de paix et de dignité, et c’est en ce sens que je salue hautement cette initiative du Dialogue National, cadre propice à la construction d’un avenir partagé.Depuis quelques années, le Sénégal traverse une phase historiquement amère qui appelle à la responsabilité de tous. À ce titre, je voudrais interpeller mes collègues chefs religieux et coutumiers, car nous ne pouvons plus rester en marge de la marche du pays. Les acteurs de la scène politique, quels que soient leurs partis ou leurs postures, sont nos fils, nos frères, nos neveux. Ils sont issus de nos terroirs, de nos lignées, de nos familles. Il est de notre devoir sacré de les encadrer, les conseiller, les orienter vers la voie du salut, de la sagesse, de la modération; du compromis dynamique et de l’intérêt supérieur de la Nation.Je m’adresse également, avec respect, aux autorités étatiques, et en particulier, à Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, Président de la République du Sénégal, que j’ai l’honneur de considérer comme un fils de notre terroir sérère.Je m’adresse aussi à vous Monsieur le Premier Ministre Ousmane Sonko, autre fils du pays, né d’un précieux métissage entre le Sine et la Casamance, entre le monde sérère et diola. Votre tandem incarne, à mes yeux, la légende vivante d’Aguène et Diambogne, ces deux sœurs mythiques qui symbolisent l’union dans la différence, la complémentarité et la solidarité.C’est cela le Sénégal que nous aimons !Un Sénégal qui transcende les clivages, qui honore ses racines tout en embrassant son destin commun. Nous avons, aujourd’hui, une chance unique de consolider cette exception sénégalaise, cette stabilité que tant de peuples nous envient.C’est pourquoi, au nom des chefferies traditionnelles et à mon nom propre, je formule une demande solennelle :La mise en place d’un cadre institutionnel de concertation permanent entre les pouvoirs publics et les autorités traditionnelles.Je propose la création d’une instance nationale que nous pourrions appeler le Haut Conseil des Chefferies Traditionnelles, une structure inclusive, représentative de toutes les entités royales, coutumières et traditionnelles du pays, dotée d’une voix consultative sur toutes les grandes décisions d’intérêt national.Ce Haut Conseil serait un espace d’alerte, de médiation, de sagesse et de veille, capable de faire remonter les préoccupations profondes du peuple, de prévenir les crises, et d’accompagner l’État dans la quête d’une gouvernance inclusive, enracinée et durable.Le Sénégal, je le répète, ne saurait se construire sans sa mémoire, sans ses valeurs, sans ses gardiens du lien social. Les royaumes, les cantons, les chefferies et les familles traditionnelles ne sont pas des vestiges : ils ne sont méme plus d'actualité, mais, ils sont la sève vivante de notre nation. L'esprit de ces entités devrait continuer à nous servir de boussole.Honorables invités, chers compatriotes,La paix, l’unité, la solidarité sont des conquêtes de chaque jour.Travaillons ensemble à bâtir un contrat social ancré dans notre histoire et résolument tourné vers l’avenir.Que ce Dialogue National ne soit pas un dialogue de plus, ou un événement, mais, un point de départ, un nouveau point de départ, devrions-nous dire.Qu'il ne soit pas (ce dialogue) un moment, mais, une méthode.Que l’écoute devienne notre boussole.Que le Sénégal reste un pays de paix, de fierté et d’harmonie.Que les voix des terroirs, des royaumes, des villages et des quartiers soient toujours entendues dans la grande symphonie nationale, dans le concert des institutions.
Jam fa nuun!
Jam fo ndoofeen na Sénégal
!Njooko njal!
Njooko njal!
Njooko njal!
Je vous remercie!
*MAA SINIG NIOKHOBAYE DIOUF FATOU DIENE*
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Aline Sitoé Diatta : un symposium international pour marquer les 80 ans de sa disparition
:LeJddakar :17/04/2025
Un symposium international marquant la célébration des 80 ans de la disparition d’Aline Sitoé Diatta sera organisé le 22 mai 2025 par le mouvement de pensée Impluvium, en collaboration avec l’Association sénégalaise de philosophie (ASEPHI), le Laboratoire de recherche en Sciences économiques et sociales (LARSES) de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), le Laboratoire de recherches sur les Institutions et la Croissance (LINC) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). L’événement qui aura lieu à l’UASZ a pour thème : « Aline Sitoé : 80 ans après, l’actualité d’une icône des luttes de libération et du refus de la désafricanisation ».Née en 1920 à Kabrousse, au sud du Sénégal, Aline Sitoé est décédée en 1944 à Tombouctou, au Mali. Appelée par Marouba Fall, la « Dame de Kabrousse », elle est une figure marquante de la résistance contre l’oppression coloniale. La preuve, affirme la note de présentation, bien avant la formulation de l’idée de panafricanisme et en réaction à la domination étrangère, l’histoire du continent est ponctuée d’actes de résistances dont ceux de Aline Sitoé. Du jour au lendemain, elle a fait partie des mères de famille ou des jeunes filles tout à fait ordinaires qui sont muées en héroïnes, poussant le peuple à réagir face à une menace étrangère et donnant à voir un panafricanisme africain naissant.Après la mort de son père, elle est élevée par un oncle paternel. À 18 ans, elle décide de voler de ses propres ailes. Elle se rend à Ziguinchor pour travailler comme docker et gagner sa vie. Pendant la saison sèche, elle rejoint Dakar et y trouve un emploi de femme de ménage chez un colon français. C’est dans la capitale qu’elle entend, pour la première fois, des voix lui intimant l’ordre de libérer son peuple de l’administration coloniale. Elle est d’abord réticente mais elle finit par accepter cette mission et retourne en Casamance. Son engagement repose sur un idéal de liberté et d’égalité, inspiré de la culture diola, où l’infériorité d’un individu par rapport à un autre est inconcevable. C’est ce principefondamental qui a guidé le combat qu’elle a mené avec intelligence et une détermination sans faille, apprend-on. Sitôt arrivée à Kabrousse, Aline Sitoé Diatta appelle les villageois à la désobéissance civile qui se définit comme “le refus de se soumettre à une loi inique, à un pouvoir dictatorial ou larésistance à une décision injuste ou à un régime qui viole les droits humains”, selon Henry David Thoreau, auteur de Civil disobedience (1849). À l’instar de Gandhi ou de Martin Luther King, elle initia, de manière non-violente, un mouvement de désobéissance civile.80 ans après sa mort, place à cet événement scientifique, initialement prévu en 2024, pour mettre en exergue ce qu’elle prêchait – un triple refus : refus de payer l’impôt, refus de cultiver l’arachide destinée à l’exportation et refus de s’enrôler dans l’armée française qui avait besoin de combattants pour mettre fin à l’occupation de la France par l’Allemagne hitlérienne. En effet, le face-à-face entre Aline Sitoé et le pouvoir colonial ne se situa qu’entre 1942 et 1943 mais son message survécut jusque dans les années 1980 à travers les chansons cultuelles du Kassa. Elle s’est également présentée en visionnaire, éveillant très tôt les consciences sur le rôle crucial de l’identité dans la préservation de la culture d’un groupe humain ou d’un peuple. Elle tirait sa force d’un attachement très fort à son identité, sans laquelle l’individu perd ses racines. C’est en partie pour cette raison qu’elle a prôné un retour aux sources et valorisé d’anciens rites sacrés et coutumes telles que la semaine diola qui consistait à travailler cinq jours et à se reposer le sixième jour, rétablissant le jour sacré, conformément au respect des traditions. Elle conservait cependant une vision moderne des traditions, fruit de ses pérégrinations à Ziguinchor puis à Dakar.